Il y a quelques temps, j’ai publié deux articles dans la section Conseils du site Jobboom, où je donnais la parole aux recruteurs :
Les 10 pires clichés en entrevue qui ont le don d’énerver le recruteur
Les 10 erreurs dans votre cv qui exaspèrent les recruteurs
Ayant suscité beaucoup de réactions, plusieurs chercheurs d’emploi m’ont demandé d’écrire un nouvel article où à leur tour, les chercheurs d’emploi pourraient faire part de leurs irritants à l’égard des recruteurs. J’ai donc fait un appel à tous via les réseaux sociaux. Je me suis senti comme un dentiste venant de toucher un nerf très sensible! Les propos reçus débordaient d’émotions.
Pour que cet article puisse s’avérer utile aux chercheurs d’emploi, j’ai demandé aux recruteurs de réagir aux différents propos recueillis.
1- L’absence de rétroaction ou la « fausse » rétroaction
Je débute avec cet irritant, car je l’ai reçu au moins 10 fois de provenances différentes. Le recruteur dit au candidat que même s’il n’est pas retenu, il aura droit à un retour et à une rétroaction constructive. Cette promesse met en confiance le candidat et il se dit que dans le pire des cas, il pourra profiter de ce regard extérieur sur lui-même. Au final, il n’obtient aucun retour. Il n’est pas appelé après avoir laissé un message. Tout d’un coup, il a la lèpre. Parfois, il reçoit une rétroaction, mais qui ne veut absolument rien dire : « Vous étiez vraiment la candidate idéale, mais on a décidé d’y aller avec quelqu’un d’autre. Voilà, c’est tout. » Dans certains cas, on dit qu’on a rejeté la candidature, mais pour un critère qui ne faisait même pas partie de l’offre d’emploi initiale.
Réaction de René Beaulieu, consultant formateur chez RBeaulieu Consultant :
Il est difficile d’expliquer et d’excuser ce genre de comportement. On devrait dénoncer les agences qui ont de telles pratiques. Bien que ça puisse arriver directement en entreprise, car « tout est possible! », je ne crois pas qu’un directeur des RH fasse de fausses promesses, de peur de créer une mauvaise image de leur entreprise. Par contre, la rétroaction post-entrevue est très faible chez la majorité des recruteurs. La rétroaction, qui tourne souvent autour de la relation d’aide, n’est pas perçue comme payante en plus d’être risquée! Un chercheur d’emploi aurait une bien meilleure rétroaction en consultant un conseiller d’orientation ou un conseiller en emploi. Ceux-ci sont mieux outillés pour leur donner des conseils constructifs et leur permettre de s’améliorer.
2- Les processus carrément bidons
Il arrive que pour un poste, un candidat soit déjà pressenti à l’avance. Par contre, pour donner le sentiment qu’il y a absence de collusion, un processus d’embauche complet est mis en place. Plusieurs chercheurs d’emploi investissent des efforts considérables pour rédiger une lettre de présentation sur mesure et un curriculum vitae. Ils se sentent nerveux avant l’entrevue, entretenant l’espoir d’être retenu. Quelle déception quand des indices leur révèlent clairement que pour l’entreprise, tout ce processus ne représentait qu’une pure formalité administrative.
Réaction de Thérèse Thémélis, propriétaire et consultante chez THEMELIS RH SOLUTIONS :
J’en conviens que la situation est froissante pour les chercheurs d’emploi, mais aussi pour les recruteurs qui se doivent d’appliquer ce processus fictif.
Étant de l’autre côté de la clôture, il arrive parfois qu’une préférence est donnée de prime abord à un candidat. Cependant, les auteurs de ces recrutements veulent bien croire qu’ils pourraient trouver une personne ayant le potentiel de pourvoir un poste pour plus tard. Surtout de nos jours, où la pénurie de main-d’œuvre est flagrante. Supposons que ceux-ci persistent à jouer à ce petit jeu, éventuellement, ce sera au tour des candidats à leur faire un pied de nez, si ce n’est pas déjà le cas! En tant que chercheur d’emploi externe, vous pouvez demander si le poste a déjà des aspirants pour le combler. Je crois que la transparence peut faire la différence. Ceci prouve que vous n’êtes pas dupe, que vous discernez la situation et que vous pouvez vous désintéresser et décider de ne pas participer au processus si le ou les recruteurs ne démontrent pas un changement d’attitude face à la situation.
3- Les questions trop vagues
En entrevue, le recruteur s’attend à ce que le candidat sache se distinguer par des réponses originales et faisant preuve de précision. Par contre, cet exercice s’avère d’autant plus ardu pour lui si les questions s’avèrent être d’une grande banalité. Ça me rappelle les paroles d’une chanson du groupe Les Colocs : Passe-moi la puck, puis je vais en compter des buts! Dit autrement : Pose-moi des questions stimulantes, puis je vais être en mesure de briller!
Réaction d’Annie Gourde, conseillère d’orientation en pratique privée :
Je crois que la responsabilité est partagée par l’ensemble des personnes présentes en entrevue. Bien entendu, le recruteur se doit de poser des questions pertinentes, qui ont du sens avec le poste à combler, mais également qui ont du sens auprès de la personne en entrevue. D’un autre côté, le candidat qui désire obtenir un poste a la responsabilité de bien se préparer pour son entrevue. Il y a des questions dites classiques, à propos desquels le candidat peut se préparer afin de bien articuler sa réponse et organiser ses idées. C’est donc aussi à lui de donner un alignement plus précis et qui saura le mettre en valeur. Le fait de bien se préparer permettra aussi au candidat de concentrer son énergie sur les questions moins standards.
4- Les tests non adaptés
Il est normal que dans un processus de sélection, le recruteur soumette le candidat à des tests afin d’évaluer son niveau de compétences. Par contre, certains chercheurs d’emploi ont mentionné avoir eu des tests s’adressant à des débutants quand ils étaient très avancés dans leur carrière ou encore des tests qui n’étaient pas du tout en lien avec leur spécialité.
Réaction de Camille Pelletier, conseillère en ressources humaines chez Stageline :
Dans un processus de sélection qu’on veut le plus équitable possible, nous sommes souvent contraints de mettre sur pied des tests standards qui nous permettent d’établir, au minimum, qu’un candidat répond aux critères de sélection. Je pourrais donner l’exemple d’un test simple de soudage. Pour un candidat expérimenté, il peut paraitre très « de base », alors qu’il permet de mesurer non seulement la qualité de travail d’un soudeur, mais aussi sa faculté à écouter et assimiler des instructions de travail, à organiser son environnement, à ajuster sa machine à souder, à écouter les conseils et recevoir de la rétroaction. Un test permet souvent d’en apprendre beaucoup sur un candidat, tant au niveau du savoir-faire que du savoir-être. En tant que candidat, n’hésitez pas à poser des questions si vous vous questionnez quant au lien entre les tests et le poste convoité. Cette discussion, hors du contexte plus formel de l’entrevue, vous permettra d’en apprendre plus sur les attentes et la vision de l’entreprise envers le poste convoité.
5- Le comité de sélection désorganisé
Jamais un recruteur ne considérerait acceptable qu’un candidat arrive mal préparé à un entretien d’embauche. Est-ce que le manque de préparation de la part d’un recruteur paraît plus acceptable? Je me suis fait raconter des histoires à propos d’entrevues qui ont débuté avec près de 30 minutes de retard ou en lien avec des recruteurs qui prenaient des appels personnels durant l’entretien.
Parfois, au sein d’un comité de sélection, certains recruteurs ne s’entendaient pas sur les questions à poser ou se lançaient des remarques assassines. Est-ce que tout ça n’était qu’une belle mise en scène pour tester le candidat? Peu importe, pas très convainquant comme première impression.
Réaction de Maude Cormier-Gladu, spécialiste de l’acquisition de talent :
Pour une organisation qui cherche à attirer les meilleurs candidats, il est essentiel de porter une attention particulière à l’expérience vécue par le candidat tout au long du processus. Être à l’heure au rendez-vous est une préoccupation, mais parfois, prendre le temps d’écouter les réponses des candidats précédents et répondre à leurs questions occasionne des retards. Le recruteur devrait minimalement s’excuser auprès du candidat ayant attendu, voire lui fournir une explication. Si vous vous retrouvez en entrevue et que vous sentez des tensions entre les membres du comité de sélection, dites-vous que ces tensions risquent d’exister aussi dans le milieu de travail. Renseignez-vous afin de savoir avec qui vous devrez travailler sur une base quotidienne et faites vos choix en conséquence. Si au contraire vous vivez une rencontre authentique et que votre sentiment est favorable, c’est possiblement le signe que vous avez trouvé une équipe qui vous ressemble et dans laquelle vous aurez envie de donner le meilleur de vous-même.
En conclusion
Cet article m’a permis de réaliser à quel point il y a un réel enjeu de communication entre les chercheurs d’emploi et les recruteurs. Chacun vit des irritants, mais en secret. Dans un marché où il y a pénurie de main d’œuvre qualifiée, j’espère vraiment que les recruteurs sauront tenir compte du point de vue des chercheurs d’emploi.
Source: Jobboom – Mathieu Guénette